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		Enseignements de 
		2021 concernant les maladies de la vigne au travers du comportement des 
		cépages PIWI ou interspécifiques résistants. 
		
		Avant l’arrivée des 
		maladies venues d’Amérique du Nord : oïdium (1847), phylloxéra (1864), 
		mildiou (1878), black rot (1885), etc., l’histoire de la vigne en Europe 
		était un long fleuve tranquille. Les vignes européens (Vitis vinifera) 
		n’avaient pas besoin d’être traitées et les différentes variétés étaient 
		reproduites simplement par provignage, bouturage ou marcottage. 
		 
		
		 La forte 
		sensibilité des vignes à ces différents pathogènes a amené les vignerons 
		à chercher des solutions pour les en protéger. Celles-ci se sont 
		succédées, tout comme les maladies concernées.  
		
		 On a d’abord eu 
		recours à des traitements antifongiques qui agissent efficacement contre 
		les maladies cryptogamiques, le soufre contre l’oïdium, le cuivre contre 
		le mildiou et le Black Rot.  
		
		Le greffage des 
		vignes européennes sur porte-greffe obtenus par croisement de vignes 
		américaines résistantes à l’insecte du phylloxera a permis de 
		sauvegarder la diversité des cépages cultivés qui ne pouvaient plus être 
		reproduits sur leurs propres racines. 
		
		 L’obtention de 
		nouvelles variétés de vigne en croisant les vignes américaines 
		entre-elles, en les croisant avec des vignes européennes ont permis fin 
		du XIXème siècle et au début du XXème siècle de proposer des cépages 
		résistant à l’ensemble des maladies et pouvant être cultivés sur leurs 
		propres racines (pas besoin de greffage), ce sont les hybrides 
		producteurs directs (HPD). Ces variétés nécessitant peu (ou pas) de 
		soins ont été plantés tant dans les vignobles dans la première moitié du 
		vingtième siècle que dans les petits vignobles d’amateurs et les jardins 
		où elles survécu après l’interdiction de leur culture dès les années 
		1930 pour les hybrides américains tels que le Noah, l’Isabelle, le 
		Clinton, le Jacquez, l’Othello, et dans les années 1950 pour les HPD.    
		
		 L’après-guerre a vu 
		aussi le développement des fongicides de synthèse qui ont permis de 
		protéger la vigne facilement et efficacement. Mais c’était sans compter 
		les atteintes de ces fongicides à l’ensemble du monde fongique, dont les 
		importantes mycorhizes (dont on ne parle que depuis quelques années), et 
		à l’apparition de variants résistant aux pesticides… Depuis le début du 
		XXIème siècle, l’industrie chimique doit supprimer des produits devenus 
		inefficaces pour des questions de résistance et met sur le marché de 
		nouveaux produits rendant la protection de la vigne de plus en plus 
		difficile et aléatoire face aux conditions climatiques très différentes 
		d’une année à l’autre à la suite au réchauffement du climat mondial.
		 
		
		 Pour limiter les 
		apports de pesticides à deux ou trois traitements « bio », au soufre et 
		au cuivre, des programmes de croisements et de sélection de vignes 
		résistantes et donnant des vins qualitatifs ont d’abord été réalisés un 
		peu à l’aveugle entre les Vitis vinifera et les autres Vitis qui 
		transmettaient leurs résistances dans les variétés interspécifiques.
		 
		
		 Aujourd’hui les 
		analyses génétiques permettent de déterminer les gènes apportant de la 
		résistance par leurs loci. Le locus (loci au pluriel) désigne 
		l’emplacement précis d'un gène sur le chromosome qui le porte.  Dans le 
		cas de l’étude des gènes de la vigne, les loci de résistance au mildiou 
		sont notés Rpv pour Résistance au Plasmopora Viticola et ceux relatifs à 
		l’oïdium Run pour Résistance au Uncinula necator modifié en Ren pour 
		Résistance à Erysiphe 
		necator, 
		les biologistes ayant changé l’étiquetage de l’oïdium de la vigne par la 
		suite.  
		
		 Cependant, on ne 
		sait que peu de choses sur la façon dont ces différents loci de 
		résistance confèrent la résistance aux cépages et sur la réduction 
		potentielle des applications de fongicides. La recherche se poursuit 
		donc, mais permet déjà des observations de terrain. 
		
		L’année 2021 a battu 
		tous les records de pluviosité et d’humidité dans nos vignobles et a 
		créé des conditions inédites et particulièrement favorables aux maladies 
		pathogènes de la vigne., en particulier le mildiou. Les gelées tardives 
		du printemps avaient déjà compromis certaines récoltes. C’est 
		certainement la pire année, depuis les trente ans que je cultive la 
		vigne. 
		
		 Sur le terrain les 
		Vitis vinifera ont fortement souffert dans les vignobles cultivés de 
		façon traditionnelle, malgré les nombreuses pulvérisations de pesticides 
		de synthèse. De grands domaines comme les Agaisses ont eu des pertes de 
		plus de 40 % et ne s’en tirent pas si mal que cela, alors que l’ancien 
		vignoble de Charles Legot à Huy n’a pas été vendangé ou que la 
		production des vignobles du Bon Baron ne dépasse pas 25 %.  Les 
		vignobles bio cultivant les mêmes variétés qu’en Champagne ont connu des 
		fortunes diverses. Si les pertes sont importantes au vignoble de Bousval, 
		elles sont quasi nulles au vignoble W à Saintes qui est cultivé en 
		biodynamie et où le travail estival a été très important.     
		
		 Faut-il alors 
		remettre en cause l’encépagement ?  
		
		 Peut-être, mais 
		l’année n’a pas été beaucoup plus rose pour ceux qui ont fait le choix 
		des variétés résistantes. Les vignerons cultivant des variétés 
		interspécifiques ont eu l’occasion d’apprécier leur niveau de résistance 
		aux pathogènes. Celle-ci fut tout sauf uniforme et des pertes de récolte 
		ont aussi concerné des variétés PIWI comme le Regent, le Johanniter et 
		le Souvignier gris qui n’ont été récoltés que dans les vignobles ayant 
		eu plus que les 2 à 3 traitements recommandés dans la littérature.
		 
		
		 Analysons les 
		comportements des différents cépages à partir des connaissances 
		génétiques actuelles.  
		
		  
		
		La génétique des 
		variétés ayant le mieux résisté au mildiou en 2021 en Belgique 
		
		De vieux hybrides 
		producteurs directs (HPD) obtenus, il y a plus de cent ans, vers 1911, 
		ont témoigné d’une remarquable résistance au mildiou.  
		
		Les variétés de 
		l’obtenteur Kuhlmann (Léon Millot, Maréchal Foch, Maréchal Joffre, 
		Triomphe d’Alsace, …) n’ont pas souffert du mildiou en 2021. Le manque 
		de soleil de l’année a bien sûr retardé leur maturité et affecté la 
		teneur en sucres de leurs grappes. Le Baco 1 (Baco noir) a bien résisté 
		jusque septembre où des grappes ont pourri.  
		
		Les gènes de 
		résistance au mildiou et à l’oïdium de de la plupart de ces HPD donnant 
		des raisins noirs n’ont pas encore été identifiés. Ils proviennent des 
		vignes américaines Vitis Riparia et Vitis Rupestris.  
		
		Les hybrides 
		de Kuhlmann et de Baco n’ont pas fait l’objet de croisements ultérieurs 
		dans le but d’obtenir de nouvelles variétés résistantes, contrairement à 
		d’autres HPD blancs. Ainsi la base de données internationale 
		
		www.vivc.com indique le HPD Seyval blanc (Seyve-Villard 
		5276) possède les gènes Ren3 et Ren9 (Oïdium) et Rpv3.2 et Rpv3.3 
		(mildiou). Ce cépage est encore cultivé en dehors de la France et a été 
		utilisé pour l’obtention d’interspécifiques comme le Solaris.  
		De même, le Villard blanc (Seyve-Villard 12375) possède les gène Rpv3.1 
		(mildiou) et a été utilisé pour l’obtention d’interspécifiques comme le 
		Palatina ou le Sirius 
		
		En Belgique, en 
		2021, des variétés interspécifiques ont beaucoup mieux (même très bien) 
		résisté que d’autres et nous devons en retirer quelques enseignements à 
		la lecture de leurs gènes de résistance.  
		
		 Ceux qui ont le 
		mieux résisté. 
		
		 L’analyse génétique 
		montre que : 
		
		·        
		Le Solaris possède les 
		gènes Ren3 et Ren9 (Oïdium) et Rpv3.3 et Rpv10 (mildiou) 
		
		·        
		Le Muscaris possède 
		les gènes Ren3 et Ren9 (Oïdium) et Rpv10 (mildiou) 
		
		·        
		Le Monarch (Solaris X 
		Dornfelder) possède les gènes Ren3 et Ren9 (Oïdium) et Rpv3.3 et Rpv10 
		(mildiou) 
		
		·        
		Le Cabernet Cortis (Cabernet 
		Sauvignon X Solaris) possède les gènes Ren3 et Ren9 (Oïdium) et Rpv3.3 
		et rpv10 (mildiou) 
		
		·        
		Le Bronner possède les 
		gènes Ren3 et Ren9 (Oïdium) et Rpv3.3 et Rpv10 (mildiou) 
		 
		
		·        
		Le Divico et le Divona 
		(Gamaret X Bronner) possèdent les gènes Ren3 et Ren9 (Oïdium) et Rpv3.3 
		et Rpv10 (mildiou)  
		
		·        
		Le Rondo possède le 
		gène rpv10 (mildiou)  
		
		Tous ces 
		interspécifiques possèdent le gène Rpv10 provenant de la vigne asiatique 
		Vitis Amurensis (du nom du fleuve Amur).   
		
		Ceux qui ont 
		moins bien résisté 
		
		On savait déjà que 
		la résistance au mildiou du Regent n’était pas totale ; elle s’est 
		révélée totalement insuffisante lorsque seulement deux traitements 
		antifongiques (soufre + cuivre) avaient été effectués. L’analyse 
		génétique montre que : 
		
		·        
		Le Regent possède les 
		gènes Ren3 et Ren9 (Oïdium) et Rpv3.1 (mildiou)  
		
		·        
		Le Johanniter possède 
		les gènes Ren3 et Ren9 (Oïdium) et Rpv3.1 (mildiou) 
		
		·        
		Le Hélios possède les 
		gènes Ren3 et Ren9 (Oïdium) et Rpv3.1 (mildiou)  
		
		·        
		Le Souvignier gris 
		possède les gènes Ren3 et Ren9 (Oïdium) et Rpv3.2 (mildiou) 
		 
		
		On observe que les 
		gènes Rpv3.1 et Rpv3.2 assurent une moins bonne résistance au mildiou 
		que les gènes Rpv3.3 et Rpv10 
		  
		
		Conclusion 
		
		Si les années 2019 
		et 2020 ont été des années plutôt sèches, sans maladies des vignes, 
		l’année 2021 a été caractérisée par l’abondance et la régularité des 
		épisodes pluvieux. Elle a mis en évidence la difficulté de cultiver les 
		Vinifera (Chardonnay et Pinots noirs, …) dans nos régions ainsi que les 
		limites de résistance pour certains cépages interspécifiques et le bon 
		comportement d’autres. C’est un enseignement pour les futures 
		plantations. Mais n’oublions pas qu’il faut aussi des vignes résistantes 
		à la sécheresse, épisodes climatiques très pluvieux et très secs étant 
		prédits pour les prochaines années par les climatologues. 
		  
		
		Perspectives 
		
		Les nouvelles 
		variétés sélectionnées par l’Inrae de Colmar (les Resdur Artaban, Voltis, 
		Floréal et Vidoc) commencent à être cultivées en Belgique ainsi que de 
		nouvelles variétés de l’infatigable suisse Valentin Blatner. Leur 
		maturité et leur résistance seront-elles à la hauteur ?  
		
		Une chose est 
		certaine : on n’a pas fini de discuter des maladies de la vigne et de 
		chercher les solutions les plus respectueuses de l’environnement. 
		
		  
		
		© Marc De Brouwer 
		18 décembre 2021 
		CEPvdqa asbl 
		
			 
  
			
				
				PIWI 
				est une abréviation de l’allemand PIlzWIderstandsfähig traduit 
				littéralement par résistant aux champignons 
				 
		 
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